Après avoir entamé un périple d’un an et demi à travers le Brésil, de ses débuts à Rio de Janeiro où il est invité à la cour de l’empereur Pedro II, jusqu’au cœur de la forêt amazonienne où il finit épuisé sur les rives du Rio Negro, Biard, malade, juge bon de rebrousser chemin afin de mettre fin à ses souffrances et consent, non sans regrets, à rejoindre sa chère France. Mais l’appel d’une toute dernière aventure se fait bien plus fort que tous les maux et, avant de retourner sur le Vieux Continent, il décide de faire un " léger détour " par les Amériques du Nord afin d’admirer et d’immortaliser les majestueuses chutes du Niagara.
De là-bas, il envoie un courrier en date du 25 janvier à son ami Louis pour lui donner de ses nouvelles et lui faire part de ses changements de plans :
" Vous allez être bien étonné en voyant de quel lieu cette lettre est datée, surtout si vous avez reçu la dernière que je vous écrivais du Para, entre deux accès de fièvre. Je vous disais qu’aussitôt guéri je reviendrais en Europe en prenant d’abord le bateau à vapeur qui fait le service des côtes du Brésil et qu’à Fernambouc je passerais sur l’un de ceux qui vont à Southampton. C’était le procédé le plus commode et en même temps le plus sûr à l’entrée de l’hiver ; mais il fallait attendre quelques jours. J’étais, ou plutôt je me croyais guéri et puisque je me trouvais en Amérique, j’ai profité d’un navire, le Frédérico-Domingo, qui devait faire voile pour New York ; j’ai voulu visiter ainsi les États-Unis et ajouter quelques types à ceux que je rapportais déjà. "
Grâce aux archives du port de New York, nous savons que Biard débarque le samedi 7 janvier 1860 dans l’ancienne capitale américaine et ce précieux document nous permet alors de retracer une partie de son voyage très peu documentée. À cette époque, la ville vient de devenir la quatrième métropole la plus peuplée au monde, mais cela ne semble pas intéresser notre peintre intrépide car son passage en ces lieux n’est que de courte durée.
Liste des passagers arrivant à New York le 7 janvier 1860
(Year: 1860; Arrival: New York; Microfilm Serial: M237, 1820-1897; Microfilm Roll: 198; Line: 3; List Number: 7)
Cent soixante-quatre ans plus tard, j’ai souhaité rendre hommage à cette brève visite new-yorkaise en y exposant - virtuellement - l’une de ses toiles les plus emblématiques de cette période brésilienne, celle représentant Deux Indiens en pirogue, tableau aujourd’hui conservé dans les collections du musée du Quai Branly, à Paris. En effet, contre quelques dollars, une très courte vidéo de 15 secondes a été projetée sur l’un des plus grands écrans de Manhattan, sur la mythique place de Times Square.
" Près de nous passa une petite pirogue montée par un jeune couple, le mari au gouvernail, la femme placée au milieu, tenant dans ses bras un buisson servant de voile. C’était un charmant sujet de tableau ; ce petit canot, poussé ainsi par le vent, disparut en peu de temps. "
À l’image de ce souvenir touchant que Biard nous raconte dans son ouvrage Deux années au Brésil, les passants ont eux aussi pu découvrir subrepticement cet artiste ethnologue à travers une image romanesque qui, je l’espère, leur aura donné l’envie d’en découvrir davantage sur son histoire.
De cet happening, il ne reste plus qu’une simple vidéo [voir ci-dessous] afin de garder à jamais en mémoire cet instant probablement passé inaperçu, mais qui continue de faire vivre Biard et son œuvre à travers le monde.
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